Je vais vous raconter une petite histoire, qui a beaucoup changé ma façon de voir les choses.
Il était une fois un pauvre paysan chinois, à qui on offrit un cheval.
Ses voisins s’exclamèrent : « Quelle chance tu as ! Ce cheval est magnifique, tu est vraiment le plus heureux des hommes ».
Et le paysan chinois de répondre « Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose ».
Peu de temps après, le fils du paysan chinois monta le cheval, fit une mauvaise chute et se cassa une jambe.
Les voisins s’attroupèrent et se lamentèrent : « Pauvre de toi,ce cheval était finalement une malédiction. Ton fils a la jambe cassé, c’est une catastrophe terrible ! « .
Et le paysan chinois de répondre « Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose ».
Quelques jours plus tard la guerre fut déclarée contre un seigneur voisin, et tous les jeunes hommes du village furent enrôlés pour partir au combat.
Eplorés, les voisins dirent au pauvre paysan « Tous nos fils sont partis à la guerre et le tien, avec sa jambe cassée, reste près de toi. Quelle chance, quelle chance… »
Et le paysan chinois de répondre « Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose ».
…
Cette petite histoire, c’est un conte zen qui existe sous plusieurs formes et variantes. Je crois l’avoir lu il y a des années, sans qu’il ait un grand impact sur ma façon de vivre. En revanche quand je suis retombée dessus l’année dernière, alors que nous apprenions que notre fille avait une maladie grave, il a fait son chemin, et petit à petit a modifié ma vision des choses.
Ce que je retiens de ce conte, c’est qu’il est inutile de tirer des conclusions à chaud des événements. Qu’une catastrophe peut avoir des répercussions positives, et les événements heureux des conséquences funestes.
Les faits sont là, mais leur interprétation est subjective… et l’on ne peut pas dire, avant la fin de l’histoire, si telle péripétie aura eu de bonnes ou de mauvaises répercussions. La façon dont nous vivons les choses consiste souvent à anticiper leurs conséquences, bonnes ou mauvaises. A nous inquiéter… souvent plus que de raison.
Au-delà de cette effet de « tempérance » et de prise de recul, j’aime aussi me dire que malgré les difficultés, on peut agir et faire de notre mieux pour qu’un malheur se transforme en quelque chose de beau et de bon. Nous ne sommes pas condamnés à la première interprétation.
Depuis plus d’un an, j’ai souvent songé au pauvre paysan chinois. Au sujet de ce qui nous arrivait, dans le travail ou à la maison. Mais aussi en repensant à toutes ces choses qui m’avaient angoissées par le passé et finalement ont bien tourné, et à toutes celles qui avaient semblé fabuleuses sur le moment puis ont dégénéré.
Il a raison, le paysan chinois. Ça ne sert à rien de conclure hâtivement à la catastrophe ou à la bénédiction. Voir un petit morceau du tableau, c’est trop peu pour décider si c’est un chef d’oeuvre ou une croute.
C’est curieux pour moi de dire ça, après tout ce qu’on a traversé. Il y a 15 mois je vous aurais dit que ma pire peur était que ma fille ne marche pas, ou ait un retard mental, ou un handicap même léger.
Aujourd’hui on est bien au-delà de toutes mes peurs.
Mais ça va.
Je ne voudrais pas qu’on me comprenne mal : je ne souhaite à personne de vivre ce que nous avons vécu. Je ne souhaite à personne l’errance diagnostic, la peur sourde de perdre son enfant, l’angoisse de l’avenir, les semaines à l’hôpital, les opérations, l’impuissance face à la souffrance de son petit.
Mais aujourd’hui je suis capable de voir que ce qui nous arrive n’est pas la catastrophe que j’avais anticipée. C’est notre vie, on la construit avec des morceaux un peu différents de ceux qu’on avait espérés, mais elle est belle quand même. Et je m’efforcerai d’accepter chaque nouveau morceau avec le détachement du vieux paysan chinois, parce que c’est une bonne façon de garder mon énergie pour autre chose, pour fabriquer du beau et partager du bonheur…
Comme d’habitude, tes billets sont émouvants et justes! Je les lis avec toujours autant de plaisir malgré le fait que je n’ai pas d’enfants et que je n’aspire pas à la vie de famille.
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Merci beaucoup, j’essaie avant tout d’être sincère, mais parfois ça m’oblige à plus d’introspection que je ne l’aurais cru au départ…
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Je vais méditer ton article… Merci, cela donne de la hauteur de te lire.
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C’est vraiment une histoire qui a pris racine chez moi… et au quotidien je constate que malgré tout la maladie de la Mini nous a forcé à évoluer de façon positive… j’espère que le tableau final sera beau
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Extra! tu nous donnes une leçon… merci beaucoup!
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Heu… à vot’ service !
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Te lire fait un bien fou et me pousse à la réflexion … Alors merci ! Non au référentiel unique et vive la singularité.on peut être heureux sans être comme tout le monde.
Bises
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De petites pierres pour notre chemin… vers le bonheur si possible !
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Cette histoire est magnifique ! Beaucoup d’émotion dans ce billet.
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Oui c’est une histoire pleine de sens, merci de ton mot 💛
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Waouh… Pas évident comme morale. Mais c’est finalement tellement juste.
Une fois les épreuves passées, on se dit parfois que c’était une bonne chose.
Un peu comme la PMA qui une fois qu’elle est derrière, permet d’encore mieux savourer le fait d’avoir un enfant.
Mais malheureusement, pas évident de prendre ce recul.
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Disons que l’idée peut faire son chemin…
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