Ce matin ont été présentés à la presse (dont votre serviteuse) les résultats d’une étude sur l’alimentation des 0-3 ans. On débattra un peu plus loin de qui a commandé cette enquête et des réserves qu’on peut donc émettre sur ses conclusions, mais en attendant, ce deuxième volet de l’étude Nutri-Bébé SFAE 2013 pointe un certain nombres d’erreurs commises par les parents, avec pour conséquence des apports nutritionnels inadaptés chez les enfants… et de possibles impacts sur leur santé.
Loin de moi l’idée de vous faire flipper, jeunes parents, et encore moins de vous faire culpabiliser. Je sais bien que vous, et moi avec, donc nous, faisons de notre mieux, et que ce que nous souhaitons le plus au monde est la bonne santé de nos enfants. Mais il se trouve qu’en voulant bien faire, parfois, on fait mal. Je vous livre donc un petit condensé des résultats de l’étude, et des conseils utiles pour répondre au mieux aux besoins spécifiques des tout-petits.
Trop de protéines, attention aux reins !
Les protéines sont nécessaires à la croissance, et on a tendance à considérer que les viandes, poissons, œufs etc. doivent être consommés à tous les repas pour assurer force, énergie et satiété à nos enfants. Or les besoins en protéines des nouveau-nés, nourrissons et enfants sont bien connus, les recommandations tant françaises qu’européennes sont claires : il ne faut pas dépasser les 8 grammes par jour entre 0 et 3 mois et les 11,5 grammes de protéines par jour à 36 mois.
Pour rappel, une tranche de jambon de 40 grammes représente environ 10 grammes de protéines. On en déduit donc qu’un enfant de 3 ans peut consommer en toute sécurité une tranche de jambon par jour… si on exclut toute autre source de protéine de son alimentation ce jour-là (fromage, laitages…)
Il n’est donc pas surprenant que l’étude révèle une quantité de protéines absorbées par les enfants jusqu’à 4 fois supérieures aux recommandations, bien au-delà du seuil de sécurité.
Pourquoi est-ce dangereux?
Parce qu’au-delà de ce qui est utile à la croissance de l’enfant et au bon fonctionnement de son organisme, les protéines vont être transformées en urée, qui va donner un surcroit de travail aux reins. C’est déjà moyen pour des reins adultes, mais sur des reins de bébé ou d’enfant en plein développement, c’est carrément mauvais, avec un risque d’épuisement des reins, et de potentielles pathologies à l’âge adulte telles qu’hypertension artérielle et insuffisance rénale.
On suppose de plus une corrélation entre excès de protéines dans l’enfance et surpoids/obésité à l’âge adulte.
Les bons réflexes :
- Y aller mollo sur les protéines et bien respecter les recommandations.
- Limiter les viandes, poissons et œufs à un seul repas par jour.
- Varier les sources, proposer du poisson deux fois par semaine.
- Privilégier les laitages les moins protéinés, éviter par exemple les petits suisses, hyper riches en protéines !
- Prendre en compte l’ensemble des protéines dans l’alimentation d’une journée.
- Ne pas hésiter à faire des journées sans protéines animales.
Trop de sel, risque cardiovasculaire
Les parents qui cuisinent pour leurs enfants le savent généralement : il ne faut pas saler les plats des petits. En revanche on se méfie moins des aliments déjà prêts, qui peuvent être extrêmement riches en sodium. Biscuits, pains, jambon, sans parler des autres charcuteries, chips ou biscuits apéritif. Selon l’étude, les apports en sel des enfants de 0 à 3 ans dépassent les recommandations à quasiment tous les âges.
Les conséquences ?
Ici encore, ce sont les reins qui prennent, avec un excès de travail pour de jeunes organes en formation. Même conséquences donc, risque d’épuisement des reins, pathologies rénales mais aussi cardiovasculaires à l’âge adulte.
Les bons réflexes :
- Ne pas saler les plats des enfants même s’ils nous paraissent fades
- Se méfier du sel caché (produits industriels tels que pain, biscuits sucrés… mais aussi jambon blanc)
- Ne pas donner aux petits des plats tout préparés destinés aux adultes (lasagnes, quiches, pizzas…)
Pas assez de graisses, cerveau en manque !
La chasse au gras a des effets pervers… diabolisées, les graisses sont devenues des aliments à éliminer, alors que les acides gras sont indispensables au bon fonctionnement de notre organisme.
Résultat, la lipidophobie des adultes entraine des apports insuffisants chez les enfants. Selon l’étude, à partir de un an, 80% des enfants ont des apports lipidiques inférieurs aux apports moyens recommandés par l’EFSA (l’agence européenne de sécurité des aliments).
Le souci ?
Le corps a besoin de gras. Les lipides ont un rôle structurel dans les membranes de nos cellules. Le cerveau, tout particulièrement, et encore plus alors qu’il connait un développement phénoménal, a un besoin essentiel de graisses. En conséquence, des enfants ayant une dette lipidique peuvent présenter un développement sensoriel moins bon (notamment au niveau de la vision) mais aussi un développement psychomoteur moins bon.
Par ailleurs, les lipides sont très énergétiques. Les enfants manquants de gras vont compenser leur manque d’énergie par d’autres sources, notamment les sucres rapides… qui n’ont pas le même intérêt nutritionnel.
Le bon réflexe :
- Pour les parents qui cuisinent, ajouter systématiquement des matières grasses aux plats maison.
- Varier les sources et les plaisirs : huile de noix, de colza, d’olive, beurre, crème…
- Bannir le lait demi-écrémé. Chez l’enfant diversifié, proposer du lait entier ou mieux, du lait de croissance.
Les autres déséquilibres
Parmi les autres enseignements de cette étude Nutri-Bébé SFAE 2013, on notera que les enfants inclus recevaient en moyenne :
- Trop de sucres rapides, notamment de saccharose (le sucre de table, des desserts et confiseries)
- Trop d’acides gras saturés : les enfants de l’étude n’ingéraient pas assez de graisses, mais en plus celles absorbées n’étaient pas celles dont ils avaient réellement besoin.
- Pas assez d’acides gras essentiels (voir point précédent)
- Pas assez de sucres lents et d’amidon (pains, pates, céréales…)
- Pas assez de fer, avec des impacts sur la croissance et les défenses immunitaires
- Pas assez de fibres (légumes essentiellement et fruits)
Quelques conseils supplémentaires :
- Ne pas culpabiliser quand on ne peut ou ne veut pas faire des plats maison pour les petits. Dans ce cas, privilégier les plats spécifiques pour les enfants, qui respectent les recommandations des agences européenne et française. Eliminer les plats tout préparés pour adultes.
- Penser au lait de croissance, formulé justement pour pallier aux manques nutritionnels liés à la diversification (notamment sur les acides gras essentiels ou le fer).
- Respecter les prescriptions de vitamine D faites par les pédiatres
Et cette étude, elle vient d’où ?
L’étude Nutri-Bébé SFAE 2013 a été conduite à la demande de la SFAE, le secteur français des aliments de l’enfance. En clair, les fabricants de laits infantiles, petits pots pour bébé et autres aliments lactés ou non destinés aux nouveau-nés, nourrissons et enfants de 0 à 3 ans.
Elle a été réalisée avec TNS-Sofrès, le CREDOC (centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, statut associatif) et le Dr Jean-Pierre Chouraqui, pédiatre, nutritionniste et gastro-entérologue.
Faut-il se méfier des résultats ? Je ne le pense pas. L’analyse a porté sur 1035 enfants de 15 jours à 36 mois non malades, non allaités, pour lesquels les parents ont reporté sur un carnet le détail (qualitatif et quantitatif) de tout ce qu’ils ont mangé durant 3 jours (2 jours de semaine et un jour de week-end). C’est ce qui se fait habituellement dans les études portant sur les habitudes alimentaires.
Par ailleurs, les apports nutritionnels constatés suite au reporting des parents ne sont pas jugés à l’aune de critères propres à la SFAE, mais par rapport aux recommandations de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) et/ de l’EFSA (équivalent européen).
Le seul point dans cette étude pouvant prêter à discussion se trouve donc parmi les recommandations de la SFAE : le recours aux laits infantiles, au lait de croissance et aux aliments spécifiques pour les enfants, afin de pallier aux carences constatées. Puisque ce sont les fabricants même qui conseillent des les utiliser, on peut les suspecter d’être de parti-pris…
Mais ont-ils tort pour autant ?
Vous en pensez quoi ?

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